Turquie — Célébration du 1er mai. Heurts à Taksim

Bombes lacrymogènes, jets d’eau et plus de 130 arrestations

ISTANBUL (AFP) — La police turque est intervenue, hier, à Istanbul pour disperser un millier de personnes qui souhaitaient célébrer le 1er mai sur l’emblématique place Taksim, décrétée zone interdite par le gouvernement islamo-conservateur.

En début d’après-midi, les forces de l’ordre ont utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène pour repousser les manifestants, rassemblés depuis la matinée dans le district de Besiktas, à quelques kilomètres à peine de Taksim, pour dénoncer l’interdiction des autorités.

Quelques petits groupes de militants et de partis d’extrême gauche ont riposté par des jets de bouteilles, de pierres et des tirs de feux d’artifice. La plupart des manifestants se sont éparpillés dans les ruelles du quartier, où des échauffourées se poursuivaient dans l’après-midi, a constaté un journaliste de l’AFP.

Plusieurs personnes ont été arrêtées par les forces de l’ordre dans la foulée de leur intervention. Avant cette intervention massive, quelques incidents isolés entre protestataires et forces de l’ordre avaient été signalés par les médias turcs autour de la place Taksim, dont tous les accès ont été méthodiquement fermés par des milliers de policiers. Selon un bilan provisoire communiqué par le chef de la police stambouliote, Selami Altinok, 134 personnes ont été arrêtées depuis le début de la journée dans la plus grande ville de Turquie. Paralyser Istanbul. Comme ces deux dernières années, le gouverneur d’Istanbul a interdit toute manifestation syndicale sur la place Taksim, la jugeant «pas adaptée aux célébrations du 1er mai». Depuis deux ans, le président Recep Tayyip Erdogan interdit systématiquement les rassemblements de masse sur Taksim, qui fut le cœur en juin 2013 d’une vague de manifestations sans précédent ayant visé à dénoncer la dérive islamiste et autoritaire de son régime.

«J’estime que cette insistance sur Taksim est une erreur et cache un objectif», a déploré M. Erdogan dans un discours prononcé à Ankara. «Se réunir à Taksim signifie de fait paralyser tout Istanbul». Mais les syndicats réclament chaque année de pouvoir y accéder à la mémoire des victimes du 1er mai 1977. Ce jour-là, des inconnus avaient ouvert le feu sur la place, provoquant la panique dans la foule et la mort de 34 personnes.

Réunis à l’appel de plusieurs syndicats et partis politiques d’opposition, des centaines de personnes étaient rassemblées depuis le début de la matinée dans le district de Besiktas pour fustiger les mesures d’interdiction du gouvernement. «La place Taksim est la place du 1er mai !», «Coude-à-coude contre le fascisme !» ou «Erdogan, voleur, assassin!», ont-ils scandé pendant plusieurs heures face aux forces de l’ordre.

«En 1977, il y a eu un massacre. Nous souhaitons tout simplement être là-bas pour marquer cette date, on ne peut pas accepter de la fêter autrement, c’est trop symbolique pour nous», a déclaré jeudi à l’AFP Umar Karatepe, un dirigeant de la Confédération des syndicats des travailleurs révolutionnaires (Disk).

«Le président de la République (...) cet homme qui s’arroge tous les droits, ne peut pas nous dire où nous devons fêter le 1er mai, c’est inacceptable», a poursuivi M. Karatepe. Le 1er mai 2014 déjà, de violents incidents avaient opposé manifestants et forces de l’ordre autour de Taksim.

Jeudi, le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a mis en garde les manifestants contre toute violence, dénonçant «ceux qui veulent plonger ce pays dans le chaos». Le Parlement turc a voté le mois dernier une loi de «sécurité intérieure» qui a renforcé les pouvoirs de la police contre les manifestants. L’opposition et de nombreuses ONG de défense des droits de l’Homme l’ont qualifiée de «liberticide».

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Articolo pubblicato il 02/05/2015